Mercredi 3 juin 2015. Little A s'éveille, il est 6h40. Je me lève et prépare son biberon, comme tous les matins. Le beau temps annoncé tarde à se montrer. Le ciel est lourd de gros nuages noirs. Pesant. Il fait jour mais tellement sombre qu'il faut allumer les lumière. On ne sait pas trop si il fait chaud ou frais. Tout semble incertain ce matin. Le balai incessant des voitures a commencé sur la place Hérold, à Courbevoie. J'habite au dessus. Je les regarde, comme souvent. C'est un spectacle comme un autre. Ici, c'est le mien. Mon spectacle depuis quelques années. Cette place, c'est ma vue, c'est ma vie de tous les jours.
Je réveille ma grande. Je poursuis ma routine matinale : petit déj, habillage, coiffage, débarbouillage... Puis je me mets en route. Il est presque 8h25. Direction l'école pour déposer V. Bisous, bonjours et discussions rapides avec quelques parents. Puis demi-tour direction la crèche. Pour y aller, je dois repasser sur la place, traverser 4 passages piétons successifs. Il y règne une agitation inhabituelle tout à coup. Un camion de travaux semble bloquer les autres véhicules. La police est là et commence à organiser la circulation.
Comme des travaux viennent de commencer sur la place, je pense qu'ils sont la cause de ce bourdonnement qui monte. Ou à un pneu crevé. Sur un 35 tonnes, c'est toujours moins facile à manœuvrer. Cela est déjà souvent arrivé. Je les observe parfois de ma fenêtre. Il n'y a pas (encore) de pompiers.
Je traverse le 1er feu, puis le second. J'arrive au 3ème. L'agitation est toujours là, dans mon dos. Un réflexe, de la curiosité me poussent à me retourner. Et là, je la vois....
Derrière le camion, une personne gît par terre. Enfin ce qu'il en reste. Le spectacle me glace d'horreur, me coupe le souffle, tout semble ralentir, s'arrêter autour de moi... Je n'arrive pas à détacher mes yeux du cadavre, digne d'une mauvaise scène de The Walking Dead. Sauf qu'on est dans la réalité. Dans la vraie vie. En bas de chez moi, dans mon quartier. La violence de l'image détonne avec ce que je vis habituellement ici. Une rixe entre conducteurs de temps en temps, un motard ou un vélo qui chute, mais ça, JAMAIS ! Ce regard que je porte, ce moment où je reste tétanisé ne va durer que quelques instants. Un policier arrive pour recouvrir enfin le corps. Mais c'est trop tard, l'image est là et bien là dans mon esprit. Little A me ramène à la réalité. Je regarde les quelques personnes autour de moi. Elles semblent dans le même état. On se regarde, effarés. C'est fou comme dans ces moments là tu as envie de parler à des inconnu(e)s. Comme tu as besoin de sortir ce qui vient se passer en toi. D'exhorter tout ça.
Je reprends vaguement mes esprits. Les jambes flageolantes je continue mon chemin tant bien que mal jusqu'à la crèche. Je suis sonné. Je me pose la question de savoir si je vais, si je dois vomir, mais heureusement, non, ça semble aller. Je rentre dans la section tel l'ombre de moi-même, je n'arrive pas à faire les transmissions. Alors je raconte, rapidement. Comme pour justifier mon état. Me disant que c'est injuste de plomber la journée du personnel mais je n'ai pas pu me retenir, il faut que ça sorte. Je pars. Je croise une autre maman qui me demande si ça va. Formule habituelle et matinale. Là encore, je ne peux m'empêcher de raconter, rapidement. Je m'en veux mais je n'arrive pas à retenir les mots.
Je sors vite. Je croise une autre maman qui a vu elle aussi. Elle a besoin de parler. On échange quelques mots. On essaye de comprendre la vision d'une telle horreur à un passage piéton plutôt calme où les véhicules ne peuvent pas rouler vite. Tout ça n'a pas de sens. La scène que l'on vient de voir nous le rappelle, l'absence de vitesse n'est pas forcément synonyme de dégâts légers.
Puis je rentre. La place est toujours sans dessus dessous. Le corps toujours recouvert. J'échange avec mes voisins, ma gardienne... Je suis en mode disque rayé. Je répète. Mon horreur, mon incompréhension... Je finis par remonter chez moi. Et reste scotché à me fenêtre, d'où je vois tout. Je reste un spectateur tétanisé de la scène. Sans bouger. Tout le temps que dure l'évacuation du camion, du corps, enfin de ce qu'il en reste. Puis les véhicules des différents services repartent peu à peu. Les services de la voirie arrivent pour "nettoyer" au karcher ce qu'il reste sur le sol. Puis un policier lance la reprise "normale" de la circulation. Les voitures reprennent leur balai incessant. Le soleil est sorti de sa torpeur. La vie reprends son cours. Les piétons leur trajet. Ignorant ce qu'il s'est passé. Du drame, il ne reste plus qu'une tâche grise par terre, seule vestige de l'horreur.
Tout cela aura duré près de 2h. La vie sur la place a repris son cours, normal. Et moi je reste là, ne sachant que faire, ressassant l'image, continuant de me demander pourquoi, comment, et si.... Continuant de me demander pourquoi ce matin, j'ai croisé la Mort sur le chemin de la crèche.
Je reprends vaguement mes esprits. Les jambes flageolantes je continue mon chemin tant bien que mal jusqu'à la crèche. Je suis sonné. Je me pose la question de savoir si je vais, si je dois vomir, mais heureusement, non, ça semble aller. Je rentre dans la section tel l'ombre de moi-même, je n'arrive pas à faire les transmissions. Alors je raconte, rapidement. Comme pour justifier mon état. Me disant que c'est injuste de plomber la journée du personnel mais je n'ai pas pu me retenir, il faut que ça sorte. Je pars. Je croise une autre maman qui me demande si ça va. Formule habituelle et matinale. Là encore, je ne peux m'empêcher de raconter, rapidement. Je m'en veux mais je n'arrive pas à retenir les mots.
Je sors vite. Je croise une autre maman qui a vu elle aussi. Elle a besoin de parler. On échange quelques mots. On essaye de comprendre la vision d'une telle horreur à un passage piéton plutôt calme où les véhicules ne peuvent pas rouler vite. Tout ça n'a pas de sens. La scène que l'on vient de voir nous le rappelle, l'absence de vitesse n'est pas forcément synonyme de dégâts légers.
Puis je rentre. La place est toujours sans dessus dessous. Le corps toujours recouvert. J'échange avec mes voisins, ma gardienne... Je suis en mode disque rayé. Je répète. Mon horreur, mon incompréhension... Je finis par remonter chez moi. Et reste scotché à me fenêtre, d'où je vois tout. Je reste un spectateur tétanisé de la scène. Sans bouger. Tout le temps que dure l'évacuation du camion, du corps, enfin de ce qu'il en reste. Puis les véhicules des différents services repartent peu à peu. Les services de la voirie arrivent pour "nettoyer" au karcher ce qu'il reste sur le sol. Puis un policier lance la reprise "normale" de la circulation. Les voitures reprennent leur balai incessant. Le soleil est sorti de sa torpeur. La vie reprends son cours. Les piétons leur trajet. Ignorant ce qu'il s'est passé. Du drame, il ne reste plus qu'une tâche grise par terre, seule vestige de l'horreur.
Tout cela aura duré près de 2h. La vie sur la place a repris son cours, normal. Et moi je reste là, ne sachant que faire, ressassant l'image, continuant de me demander pourquoi, comment, et si.... Continuant de me demander pourquoi ce matin, j'ai croisé la Mort sur le chemin de la crèche.